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Nagy Katalin

Acceptance



Habiter dans un appartement luxurieux, moderne, au cœur de Paris avec une vue formidable sur la Seine avait été ma vie parfaite jusqu’à l’annonce de la maladie de ma mère. Le cancer l’avait dévorée avec une vitesse incroyable d’un jour à l’autre. Je n’avais plus de père donc je restais seule. Curieusement, je ne me suis jamais demandé qui et où il était, ma mère m’avait tellement donné le sentiment d’être en sécurité. Elle avait tout fait pour moi, peut-être tout se dut produire pour que j’apprenne le malheur.  Je suis alors devenue orpheline tout à coup et avant de pouvoir m’apitoyer sur mon sort, j’ai dû remarquer que j’étais vraiment toute seule et que je n’avais ni grands-parents, ni tantes. Je n’avais qu’un oncle, du côté de mon père, mais j’étais sûre qu’il n’accepterait jamais de me prendre dans sa garde. Peut-être j’ai dû remarquer que je m’étais trompée. L’oncle mystérieux que je n’avais jamais encore rencontré, dont je n’ai même pas encore cassé la nénette, dont ma mère m’avait parlé si rarement et avec une telle tristesse dans la voix, allait me tirer dans six minutes exactement, de ma vie pleine d’émotions, comme il le fallait pour les Parisiennes.

Il a sonné à la porte. Mes mains tremblaient lorsque j’ai descendu les cinq étages pour lui ouvrir la porte. Je ne voulais pas qu’il voie notre appartement, notre vie. Je ne voulais pas qu’il se sent comme il saurait la moindre de notre famille, de ma mère. Je ne voulais pas l’entendre dire, que notre appartement était si beau et qu’il avait une telle belle vue. Je le savais, je n’avais pas le besoin qu’un inconnu essaie me montrer les faveurs de ma maison et qu’il essaie de me le revendre comme un agent immobilier. Ma main posée sur la porte, consciente qu’il suffisait de l’ouvrir un tout petit peu pour laisser passer ma vie ancienne, j’ai compté jusqu’à dix pour retenir mes larmes. La porte d’est ouverte et pendant un instant, je n’étais pas sûre que c’était vraiment moi qui l’avait ouverte, mais qui d’autre aurait pu l’ouvrir ? La rue était presque vide, les Parisiens ne se lèvent pas si tôt le matin, il n’y avait qu’une vieille voiture brune et… et lui. Il était un homme grand, mais assez maigre avec des yeux et une barbe de la meme couleur que sa voiture, mais des yeux bleus clair, comme moi. Son teint était bronzé meme s’il avait l’air pale au moment où il m’a apercue. Nous nous sommes regardé longtemps, sans dire un mot. Au bout d’un instant, il a brisé ce silence pénible :

« Bonjour Clara ! Je suis Gregory, mais tu peux m’appeler Greg. »

Il a souri et a laissé apparaître des dents parfaitement blanches. Je lui ai fait un signe de tête, peut-être affirmatif et il m’a aidée à poser mes valises dans sa voiture et nous sommes partis.

Il habitait en Provence et pendant le voyage nous n’avons pas échangé un seul mot, donc j’ai pu me concentrer et admirer les près de lavande en me demandant pourquoi ma mère ne m’avait jamais emmenée découvrir cette région, elle, qui adorait tant les fleurs et la nature.

La maison ressemblait à ces cases dans lesquelles habite une grande famille très pieuse avec six ou cinq enfants bien élèvés dans deux chambres étroites, une maison qu’on voit dans les vieux filmes qui sont si ennuyeux qu’on n’arrive même pas à les regarder pendant deux minutes. Or, au moins Greg semblait être joyeux en portant mes valises dans une de ces deux chambres et en me montrant la salle de bains, la cuisine et le living où il n’avait même pas de télévision. Il me jetait des sourires tristes et finalement moi, une fille de quinze ans qui n’avait ni père, ni mère, commencait à avoir pitié de cet homme tout à fait gentil et simple.

Les jours passaient avec une lenteur épouvantable et le soleil brûlait de toute sa force. Je ne me suis pas habituée à cette vie monotone, mais je l’ai acceptée. Greg et moi, nous ne parlions pas beaucoup ce qui me donnait le temps de réfléchir. Je pleurais les soirs et les nuits, c’était devenue une routine. Le jour je bronzais, mon teint devenait de plus en plus comme celui de Greg. Je fouillais les étagères remplies de livres de Greg, il adorait des romans policiers, comme moi. Un jour, je suis tombée sur un carnet, coincé entre deux Agatha Christies. C’était un carnet intime qui datait de 1997, l’année de ma naissance. Je savais que je n’avais probablement pas le droit de le lire, mais ma curiosité parisienne ne me laissait pas le choix. Je me suis enfermée dans ma petite chambre et je me suis embarquée dans l’histoire de Greg. Il écrivait comme un vrai écrivain et l’histoire était émouvante, pleine de passion dont je ne l’aurais jamais pensé capable. Au début, je pensais qu’il rêvait d’une carrière d’auteur et ceci était une de ses essais pour attraper son rêve, mais les passages et les douleurs semblaient trop réelles. Il racontait d’une femme, blonde et avec une frénésie pour la musique et la danse, qui m’a fait penser à ma mère. En larmes, j’ai lu les phrases romantiques. « Même quand elle marche, on croirait qu’elle danse », était son avant-dernière phrase, mais en lisant la toute dernière, j’ai eu peur et j’ai couru sous l’emprise d’une colère que je n’avais jamais encore sentie dans le jardin où Greg prenait soin de ses fleurs. Comme il semblait idyllique. Les seuls mots que nous avions échangé le jour étaient « Bonjour » « Ca va » et nous avons encore quelques fois parlé des romans policiers que je venais de lire. Il m’a souri, comme toujours, triste, mais je m’en fichais, j’ai tout de suite commencé à hurler  en tenant toujours encore son carnet dans les mains :

« Comment pouvais-tu me laisser seule !? Pourquoi n’as-tu rien dit !? »

Il comprenait tout à coup en voyant le carnet et est devenu même plus pâle qu’à notre première rencontre : « Je voulais te le dire, je le jure, mais… »

« Mais quoi !? Avais-tu peur d’avouer que t’étais mon père !? », Je n’ai plus attendu sa réponse, je me suis enfermée dans ma chambre en pleurant où une lassitude qui m’a mise à genoux attendait moi. Pendant quinze ans, je n’avais pas de père, je l’avais désiré quelques jours, d'autres jours, je l’aurais pu tuer en le rencontrant, mais maintenant sa présence ne me faisait que du mal. Bien sûr, j’ai dû rester chez lui, mais pendant de longues journées, je restais enfermée dans ma chambre. Il a essayé à plusieurs reprises de parvenir jusqu’à moi, mais je ne répondais plus. Après deux semaines, je l’ai laissé s’expliquer. Je ne lui ai pas pardonné, mais avec le temps, je l’ai accepté. Nous pouvions pleurer ensemble et nous avions beaucoup de points communs. Avec le temps, on accepte tout.




Envoyé: 15:24 Mon, 6 March 2017 par: Nagy Katalin