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Cano Pauline

Le cœur du Diable

 

 

Le quatre juin 2006, un lundi comme un autre, sept personnes avaient reçu une lettre qui allait radicalement changer leurs vies. Le premier destinataire était Paavo Heikinnen, il venait de Helsinki. Il y avait une américaine aussi, Ginger Evans qui habitait à Houston au Texas, puis Roman Mertz qui vivait à Zurich, mais originaire d'Alsace et de Bavière. Kristina Rusu faisait aussi parti de la liste des destinataires, elle était de Chi?in?u, de Moldavie, tout comme Franziska Reiter, une viennoise. Enfin, Enzo Pellecchio, d'Alghero et Alice Young-Lukestaffer d'Édimbourg avaient aussi reçu cette lettre.

La lettre, c'était moi qui la leur avais envoyée. Elle convoquait ces merveilleuses petites personnes à Stonehenge le surlendemain à six heures, six minutes et six secondes. La plupart de ces gens pensaient que ce devait être qu'un canular des enfants des voisins d'à côté, pourtant, c'était sérieux, très sérieux ! Tellement sérieux qu'inconsciemment, ces gens ne le prenaient pas à la légère, ils n'y arrivaient pas. Quelque chose de puissant poussait mes victimes à y aller même si elles trouvaient cela ridicule, à mon avantage ! 

En ce six juin 2006, le six du six du six, à la seconde près où je leur avais donné rendez-vous, ils étaient là, tous les sept. Moi, je connaissais leurs histoires, chez certains, mieux qu'eux même. Eux savaient aussi qui j'étais, mais comme j'étais une personne très respectueuse, je me présentai quand même:

« Bonjour, 

Vous me connaissez tous sans doute, 

Mais ne croyez pas tous en moi, 

La plupart de vous me redoute, 

Bien que certains ont la foi. 

Moi, je vous connais très bien, 

Bien mieux que vous l'imaginez,  

Vous pensez que je ne sais rien, 

Mais je suis le diable, enchanté?! »

C’était tellement marrant de les voir tous pétrifiés à l’idée que j’existe. À dire que je faisais cela que tous les six cent soixante-six ans… c’était un vrai délice?! 

« Alors mes chers, je vous prie de me suivre. » 

D’une peur bleue, je les voyais qu'ils me suivaient dans les profondeurs de l'enfer. Je commençais donc mon appel savoureux dans l'ordre alphabétique des noms de famille de mes proies, une par une.

« Alors Ginger Evans, sais-tu pourquoi tu es là ? » Elle secoua la tête avec beaucoup de peur dans ses yeux. « Tout le dit dans ton prénom, voyons... Ginger, gingembre en français... Mais tu n'as pas l'air à l'aise, sweetheart. Tu sens de la peur sous ta peau ? Just one moment. » Lui dis-je à l'américaine.

Que de mieux qu'une bonne mousse au chocolat suisse pour mettre à l'aise un gourmand ? Je sorti donc ce dessert et le mit devant elle, et j'eu bien raison, ses yeux s'élargirent comme sous effet de MDMA.

« Bon ma petite. En ce jour, je sais que tu as vingt-trois ans et que tu as encore toute ta vie devant toi, mais, comment te l'expliquer... Tiens, serais-tu tentée par ceci ? » Je lui montrai une fiole en argent et j'expliquais, « Cette fiole, n'est pas comme les autres. C'est la Fiole de la Gourmandise. Elle se remplie tout le temps de la boisson de ton choix et ne se vide jamais. Et seul toi, tu peux l'utiliser, elle te reconnaît. Tu veux ? » Ginger, sans hésiter, accepta, c'était trop facile avec les gourmands !

« Mertz Roman, content de te voir, comment vas-tu ? » 

« Très bien, merci. » m'avait répondu le jeune homme avec politesse et courtoisie. 

« Tu en es sûr ? » 

À ce moment-là il ne savait pas trop quoi répondre, et comme j'étais quelqu'un d'immensément sympathique, je décidai de l'aider un peu. 

« Trente et un ans, ta première et dernière petite copine à vingt-deux ans et cela n'avait duré que trois mois, peut-on dire que tu es content de ta vie ? Je ne pense pas... » Bon, j'étais conscient que j'avais visé un point faible mais c'étaient les règles du jeu. Il fallait parfois voir pleurer des gens en tant que Satan. En réalité, ils me faisaient tous un peu pitié ces chialeurs, j'avais un cœur, moi aussi ! Mais quand je faisais un travail, j'aimais le faire bien.  

« Pour te consoler, accepte ce collier. Il n'est pas ordinaire, je l'appelle 'Le Collier de la Luxure'. Il te suffit de le mettre à quelqu'un, qu'il tombera tout de suite passionnément amoureux de toi. » Souriant et d'un regard remerciant, il prit le collier. 

 

« Paavo Heikinnen ! Tu es ici le plus jeune d'entre nous, quatorze ans, quel bel âge. Si jeune et si délinquant... » À ces mots il me fusilla du regard. « Mon petit colérique, mais vous êtes tous comme ça dans la famille Heikinnen. Ton père, ton oncle, ta grand-mère et tant d'autres ! Le travail de Dieu n'aura pas fini de m'étonner ! » 

Ce jeune garçon était sur le point de me massacrer, je le voyais dans ses yeux. Sans plus attendre, je sortis un révolver de mon sac, je tenais à ma vie. Mais non, je ne comptais pas tuer Paavo avec, si j'avais voulu le tuer, j'aurais choisi un moyen beaucoup plus amusant !  

« Ceci est un petit souvenir pour toi. Pour que tu n'oublies pas ta petite visite chez moi. C'est le Révolver de la Colère. N'importe qui, qui t'énervera, tu pourras le tuer avec ce révolver. Toi, tu ne peux pas être tué avec. Et si tu tires sur la mauvaise personne ou bien que la personne sur qui tu as tiré te manque, tu dois juste tirer une deuxième fois sur cette même personne et la personne revivra. » 

 

« Enzo Pellechio... trente-sept ans que tu es sur cette Terre et je sais que tu envie beaucoup de choses. Je t'avais vu l'autre jour maudire ton voisin lorsqu'il avait acheté sa nouvelle voiture ou ton collègue de travail qui fut promu à ta place. J'aimerais donc te remettre les Lunettes de l'Envie. Tout ce que tu regardera intensément à travers, te reviendra à toi et seulement à toi. » 

« Franziska Reiter, à quarante-deux ans, tu es amoureuse... si, si... de l'argent ! J'ai quelque chose ici, Franziska, qui pourrait te plaire, le Portefeuille de l'Avarice. À chaque fois que tu en prendras cent euros, il se remplira de deux billets de cinq cent. Et si tu te permets de voyager, tu peux même changer la devise juste en prononçant la devise et le pays. » 

« Kristina Rusu. C'est vrai que tu n'as que vingt-cinq ans, mais le temps passe vite. En même temps, l'envie de ne rien faire est si acharnée... Que faire ? Moi, je sais. Tu peux porter cette montre, la Montre de la Paresse. Tu n'as qu'à la regarder pendant trois secondes et le temps s'arrêtera, il pourra se prolonger à l'infini. » 

« Maintenant, passons à la dernière, Young-Lukestaffer Alice, dix-sept ans, si jeune, pourtant magnifique. Tout le monde adore Alice Y-L, et je ne peux cacher que moi donc... Mais Alice, tu as un défaut, tu es excessivement fière. Est-ce vraiment un défaut ? Non, mais dans ton cas si, c'est même bien plus. Ce n'est même plus de fierté dont on parle, c'est d'arrogance, c'est d'orgueil même ! C'est d'un péché ! Mais j'ai une solution ma jolie, regarde cet anneau. Il est joli, hein ? C'est l'Anneau de l'Orgueil. L'acceptes-tu, Alice ? Acceptes-tu de conclure cette cérémonie avec grâce et fierté ? » 

« Non » répondit Alice. Mais d'un non très ferme, un non qui ne cache rien derrière.  

Tout le monde restait bouche-bée. Jamais depuis que je devins un ange déchu, cela se passa.  

« Je ne vais rien accepter de toi, Lucifer, parce que je te connais bien, et je sais que tu ne donnes rien sans prendre ! » 

Cette intelligence... Je voulais effectivement aspirer les âmes de mes victimes mais pas la sienne. La conséquence pour n'importe qui d'un tel comportement serait de brûler dans les flammes gigantesques de l'enfer, mais je ne pouvais pas lui faire ça. Pas à elle. Je la voyais grandir de près depuis sa naissance, je la protégeais. J'ai même été parler à Dieu pour lui dire qu'il fasse que tout aille pour le mieux pour elle. Chaque jour, chaque heure, chaque minute même que je la voyais, je me rendais compte que je l'aimais de plus en plus... Elle avait tout. 

« Arrête de me regarder comme ça, je ne te donnerai rien ! » disait-elle.  

Cela venait sans doute de son orgueil, sa fierté, mais ces paroles glaciales avaient le don de me blesser, car s'il y avait quelque chose que je voulais qu'elle me donne, c'était son cœur. Je l'aimais tellement, je voulais la garder avec moi en enfer et ne plus jamais la relâcher. Mais la voir souffrir m'aurait trop fait souffrir. Pendant que je suçais les âmes de mes six premières victimes, j'y pensais. Jamais je n'avait eu aussi peu de plaisir en m'emparant des âmes fraîches d'humains qui avaient péché. Les larmes aux yeux, je décidai de la laisser repartir sur Terre, ce fut la solution la plus sage. 

En la raccompagnant jusqu'à Stonehenge, je lui avais dit ce que je tenais à lui dire: 

« Avant que tu partes, je voudrais quand même que tu saches que je t'ai toujours aimée, que je t'aime et que je t'aimerai toujours... » 

 

 

 

 




Envoyé: 22:17 Thu, 15 March 2018 par: Cano Pauline