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Richter Valentina Juliette Eileen


Danser jusqu'au dernier pas

Danser jusqu’au dernier pas

Je m’appelle Lucy et j’ai peur, j’ai peur que ma personne préférée meure.  J’ai 15 ans, ma couleur préférée est le blanc, je n’aime pas le vent, ça me rappelle l’hiver. C’est ce que je ressens en marchant le long d’une petite rivière. Je me souviens du jour, de ce jour terrible, même pénible. Je pense que c’était le premier jour horrible de ma vie. C'est le jour où mon amie, mon père a eu le cancer. Je n’ai pas de mère, je n’ai pas besoin de mère! Papa dit que tout a un sens dans la vie, la vie est comme un livre, c’est tout une question de perspective, un équilibre entre vivre et survivre. Mais moi je ne peux plus lire, en plus ce n’est pas une question de vivre et de survivre, car je suis morte. 

Papa m’achète tous les jours des roses, mais je n’ose pas m’imaginer la normalité. Pas de problèmes, pas de cancérogènes, pas de douleur, pas de malheur, mais ça me plaît d’oublier tout cela un instant. Ça revient, les problèmes, la douleur, c’est beaucoup trop pour mon petit cœur.

J’essaie de m’endormir, je rêve d’un endroit amusant sans me rassurant si c’est la vraie vie, avec des canaris en carton, sans volant accroché au ciel, comme j’ai l’impression que tout est réel.  D’un coup, je vois un fou. Je me rapproche, ça me taloche. Mais non, c'est un monstre, toute seul  je le rencontre.

Je sais ce qu’il a commis et toi aussi, il n’a pas peur de mourir, car il ne sait pas comment vivre. C’est lui. L’euthanasie. La mort devient moins horrible. Non, en fait c’est impossible. Mais nous y croyons quand même, où ça nous mène? Dans ce cas j’y crois quand même. Je suis un colibri et ma vie et un rêve et mon père ça c’est mon affaire.  

Un ciel bleu profond, sans nuages avec un soleil comme dans un jour de mariage, une plage et une mer, l’Italie populaire. J’ai passé les premières années de ma vie là-bas, ici aussi ça me va, là-bas je me sens à la maison, ici je ressens qu’on ne m’aime pas, mais ici aussi ça me va. Ici tout le monde me regarde comme si j’étais une relâche, je me cache. Comme des poissons avec des rubans, dans un aquarium. J’essaie de dire quelque chose, mais ça me donne des psychoses. Les mots sont coincés dans ma gorge, ça me dérange, mes lèvres ne bougent pas, ils ne me trouvent plus sympa, ils continuent de me regarder. De m’effrayer. Finalement quand je réussis à dire quelque chose je pense aux roses de papa. Critique mon apparence, je divorce de la vraie Lucy, elle est partie. Je souris, en vérité je m’en fais des soucis.                                                            
En France, nous sommes allés souvent à la mer, quand même ça m’énerve. Papa l’a en tête, il me comprend, je le sens.   

Nostalgie. En même temps triste et content, j’ai souvent ce sentiment, cette pensée au passé. La nostalgie et la mélancolie ne sont pas la même chose, des fois je mélange ses sentiments et les canalise par des larmes dans le vacarme en moi. Pour être honnête, et pour pas que je le répète, tout me manque, sa force, les cheveux de Papa. Mais pourquoi? C’est ça ce que je hurle dans ma tête, dans mon cœur jusqu’à sa me dévore. Dieu où es-tu? Ça me tue.  Après avoir pensé au passé,  je prends mon objet préféré, une petite fée, à cheveux bouclés, elle me prend ma pitié, c’est lui qu’il l’a faite.  

Papa doit essayer de voler. Papa est la personne la plus forte, on le voit comment il se comporte, il danse sur une corde filiforme avec le cancer, il est sincère. J’ai peur. On rigole beaucoup, ça change tout, cette nuit j’ai compris. C’est un masque, comme un casque qui nous protège et cache son manque de cheveux.
J’essaie d’être forte, je ne réussis pas.                                                                                                                                                                                               Papa doit essayer de voler. 

 

    
                                                                                                               
     

 


 




Envoyé: 20:39 Sun, 17 March 2024 by : Richter Valentina Juliette Eileen age : 13