Retour

Bernier Nina

Memento

Je pourrais te parler

Des promesses faites au vent

Que les bourrasques du temps 

Ont disséminées

Au passage

Dans la plaine sacrée

De nos âges

 

Je pourrais te parler

De nos destins retracés

Dans les veinures intriquées

Des feuilles fertiles 

Et ridées 

Dans les traits juvéniles 

De nos idées 

 

Je pourrais te parler

Du ciel et de ses images 

De la dentelle des nuages

De nos regards futiles

Egarés 

Dans l'instant fragile 

Et azuré 

 

Je pourrais te parler 

Des rayons arides

D’un soleil candide

De la lumière

Alanguie

Sur le visage lunaire 

Des tuiles polies 

 

Je pourrais te parler 

Du triomphe de plein coeur 

Des oiseaux migrateurs 

Du cortège aérien 

De leurs cris

De victoire païens 

Et de nostalgie 

 

Je pourrais te parler

De l’espoir verdoyant

A la chair filandreuse

Du bourgeonnement

De la nature rêveuse 

 

Je pourrais te parler

Du monde

Et ses ailes 

Aux plumes fécondes

Et immortelles 

 

Mais je voulais te dire

Que les cloches ont sonné 

Sans crier garde

Que les cloches ont sonné

Dans une plainte hagarde

 

Je voulais te dire

Que les rues vibraient

Sous la semelle de papier

De mes souliers 

 

Que mon coeur battait

En syncope 

Seul à l’encontre du rythme 

Du monde 

 

Et je me suis immobilisée

Au milieu de l’avenue 

Ingénue

Un peu trop vaste

Un peu trop lasse

 

Je voulais te dire 

Que la ville vivait

Dans son lyrisme

Que des passants m’ont frôlé 

Dans leur hâte et leur mutisme

 

Et j’ai vu des bribes de vies 

Epanouies 

 

Des chemises immaculées

Blanches et repassées

Des manches noires en flanelle

Des tissus heureux 

De coton rapeux 

Comme les cris des corneilles 

 

Je voulais te dire que les cloches ont sonné 

Qu’elles m’ont prise par surprise

Comme le printemps ces dernières années 

 

Je voulais te dire que les cloches ont sonné

Sans apporter de fleurs 

Ni de verdure 

Je voulais te dire que les cloches ont sonné

Dans la fraîcheur

D’un jour qui dure 

 

Et les cloches sonnaient 

Avec obstination 

Et les cloches tintaient

Sans conviction 

 

Ou peut-être étais-ce mon coeur

Mon petit coeur trop fébrile

Et l’écho de la ville

Et de sa torpeur 

 

Et les cloches sonnaient

Toujours 

Et aux alentours 

Je voyais

 

Du blanc lessivé

Du noir cotonneux 

Des regards baissés

Et des cils brumeux 

 

Et les cloches sonnaient 

Toujours 

 

J’aurais pu te parler

Du printemps 

De son sourire fleuri 

Des promesses du vent 

Et de ses prophéties 

 

Mais je voulais te dire

Que les cloches stériles 

Ont sonné dans la ville

Ce matin 

 

Et j’ai eu honte

Des rêves véniels

Et de l’azur du ciel


 




Envoyé: 18:44 Wed, 20 March 2024 par: Bernier Nina age: 19

Bernier Nina

Sur la ville

Ne prétends pas

 

Que le ciel là-haut

S'égaiera

Que sa peine sous sceau

S'atténuera

 

Il pleut toujours sur la ville

 

Ne prétends pas

 

Que tout nuage sera

Transitoire

Qu’assez tôt il oubliera

Ses déboires

 

Il pleut toujours sur la ville

 

Ne prétends pas 

 

Que le voile d'ennuis

Se lèvera

Que la terre affranchie

Fleurira

 

Il pleut toujours sur la ville

 

J’ai attendu

 

Quand les cymbales des ondes

S'entrechoquaient

Quand le tympan du monde 

Vacillait

 

J’ai attendu

 

Quand la morne grisaille

Vagabondait

Quand les hautes murailles

S’alanguissaient

 

J’ai attendu

 

Quand l’éclat des pavés

S'estompait

Quand les vitres délavées

Soupiraient

 

J’ai attendu 

En vain

Et la ville ruisselait

Dans sa pâleur mise à nu 

Et la ville suintait

D'eaux mal contenues

Et la ville résonnait

De litanies inconnues

Et la ville se dressait

Lugubre, sombre, désabusée

 

Et j’attendais

 

Le savais-tu 

 

Je suspendais

L’anse de mes espoirs

Au souffle filigrane 

Aux vérités diaphanes

Que tu répandais

Du matin au soir 

 

? 

 

Ne répète plus

Ces paroles parjures

Que le temps et l’usure 

Défigurent

 

Je t’en prie, abrège

Tes mots se greffent en moi

Et déjà se désagrègent

Sous tes doigts

 

Ne répète plus, je t’en prie

Je suis lasse d’entendre

Ne répète plus, je t’en prie

J’ai cessé d’attendre

 

Il pleuvait toujours sur la ville

Il pleut toujours sur la ville

 

Je suis sortie

La ville m’a happée

Et je me suis drapée

Dans sa mélancolie

 

Et le monde s’ébrouait

Ses mèches folles valsaient 

Et le monde pourfendait

Ses peines désavouées

 

Et j’ai appris 

A danser sous la pluie 


 




Envoyé: 14:59 Sat, 23 March 2024 par: Bernier Nina age: 19